Extraits de l'ouvrage concernant le cours de l'Armançon à Cheny
Dans le CHAPITRE I, on lit :
Depuis sa source jusqu'à son embouchure dans l'Yonne à
Cheny, au lieu dit la Bouche, l'Armançon, descendant rapidement des montagnes de
l'Auxois, arrose un grand nombre de villes et de villages. Nous citerons les
principaux lieux : Gissey-le-Vieil, Montigny, Semur, élevé sur des escarpements
granitiques, au pied desquels coule la rivière qui défend l'approche des
remparts et des tours ; Genay, Quincy-Ie-Vicomte ; et, en entrant dans le
département de l'Yonne, Aisy, Nuits, Ancy-le-Franc, Tanlay, Tonnerre, Flogny,
Saint-Florentin, Brienon et Cheny.
(...)
Il est fait mention de l'Armançon en 833 et de la terre de Cheny, qui en est voisine,
et que possédait déjà l'abbaye Saint-Rémy, de Sens, et aussi en 878 dans une
charte du roi Louis pour son fidèle Baldric. Dans l'une des chartes, la rivière
est appelée Ormentio et dans l'autre Hermentaria.
(...)
En 1185, Augallo, sire de Seignelay, traitant avec les moines de Saint-Rémy de
Sens, seigneurs en partie de Cheny, reconnaît que l'abbé pourra construire deux
moulins, l'un près du pont de ce lieu et l'autre au-dessus, de manière que la
voie, pour le passage des bateaux de l'autre côté de l'eau, reste encore d'une
toise de large.
En 1273, Jean, autre seigneur de Seignelay, qui avait commencé
de bâtir un moulin à Cheny, au-dessous de celui des moines de Saint-Rémy, ayant
vu leurs titres, renonce à tous ses droits sur l'Armançon depuis Cheny jusqu'à
l'Yonne, et déclare que les moines pourront établir un autre moulin sur la
rivière, près du pont, "en réservant la voie pour le passage des bateaux".
Les archevêques de Sens, seigneurs de la baronnie de Brienon au XIVe siècle et
depuis, se faisaient envoyer par le doyen de cette ville, leur régisseur, à Sens
et à Paris, les produits de leur terre en vins, en blés et en avoine. Les
comptes de recettes et dépenses qui relatent ces faits ne sont pas toujours très
précis sur la nature des moyens de transport par eau. On voit bien amener les
vins et les grains au port de Brienon ; quelquefois même c'est un marinier de
Joigny, Jean Dabbé, qui mène dans ses bateaux 14 muids d'avoine et 12 muids 6
setiers de froment ; et, dans le même compte, Denizot, de Fontaine, part du port
de Laroche le 13 décembre 1366 et arrive à Paris le 30 du même mois, pour
conduire en bateaux 31 queues de vin.
Dès ce temps-là, l'administration de Paris paraît s'être préoccupé de l'utilité
dont pouvait être l'Armançon pour aider à
l'approvisionnement de cette ville, car le jeudi, lendemain de Saint-Loup 1367,
des officiers de l'archevêque, messire Guy et l'official de Saint-Julien vinrent
à Brienon avec le lieutenant du prévôt des marchands, le maître du Pont de Paris
et six chevaux, "pour visiter la rivière, comment elle portast navée". On ne
connaît pas la suite qu'a pu avoir cette sorte d'inspection ; elle est
intéressante cependant pour l'histoire de la navigation sur l'Armançon.
Nous continuerons à extraire des comptes de la terre de Brienon ce qui peut éclairer
notre sujet.
La même année 1367, on menait de Brienon à Sens, à Noslon et Paris
des vins et des grains pour l'approvisionnement des hôtels de l'archevêque en
ces divers lieux. On emploie même, pour les transporter, Jacques Delaloge,
marinier à Bassou.
Aux XVe et XVIe siècles, on se sert toujours de la rivière
pour envoyer à l'hôtel de l'archevêque les vins et les grains nécessaires à sa
maison. Tantôt ce sont des charretiers qui charroient les grains depuis le port
de Brienon jusqu'à la rivière, pour les mener de là à Sens, tantôt d'autres
mènent "par eau, de Brienon à Sens" 19 muids de vin.
En 1452, Thévenin Thuault, marinier, conduit par eau, de Brienon à Sens, les
vins et les foins de la récolte amenés au port par un charretier.
Les pièces de dépenses sont plus précises que les comptes dans leur rédaction et confirment ce
que l'on sait sur la navigation, au moins depuis Brienon.
En 1486, Philippon Rousseau donne
quittance de 27 s. 6 d. "pour charroy des grains de Mgr depuis Brienon jusqu'à
la rivière, pour mener par eau jusqu'à Sens".
Un marinier de Joigny déclare
avoir mené par eau, de Brienon, Noelles et Cheny jusqu'à Sens "pour Mgr", 31
muids 6 setiers de froment, avoine, pois et fèves.
En 1536, Jean Deline, métays
(fermier) de Bouy, reçoit du receveur de Brienon 4 livres 5 sols pour avoir
charroyé, depuis la maison de Mgr audit Brienon, 85 muids de vin jusqu'au port
de la rivière d' Armançon.
Enfin, en 1539, le receveur de Brienon fait conduire
à Saint-Denys-en-France 220 muids de vin et 11 autres pour le remplissage, menés
au port de Brienon.
L'absence de documents postérieurs ne nous permet pas de
continuer la démonstration que nous avons entreprise. Ajoutons-y une preuve de
la navigation sur l'Armançon à cette époque et bien au-dessus de Brienon, à
Germigny, où l'on construisait des bateaux d'assez grande dimension.
En 1502, Pierre Loré, charpentier de bateaux à Germigny, fait marché avec Jean Henriet,
voiturier par eau à Auxerre, pour construire un bateau de 11 toises et demie de
long sur 11 pieds de large "à rendre flottant sur la rivière dite la Bouche
d'Armançon", c'est-à-dire à Cheny, où l'Armançon se jette dans l'Yonne.
Dans le CHAPITRE II, on lit :
En 1552 existaient encore à Tonnerre deux "gentilshommes
florentins", nommés Michel et Geoffroy Gemyot, frères, qui faisaient aussi des
affaires de commerce. Ils traitent alors avec Geoffroy de Cenamy, qui représente
le comte et la comtesse de Tonnerre, et s'engagent à faire flotter 1 200 voies
de bois de moule à 63 bûches par moule, à prendre au port de Saint-Martin-Molôme
et de les flotter et mener jusqu'au port de la Bouche-d'Armançon, lieu du
chargement des bois pour Paris.
(...)
Les bois charroyés depuis la forêt de Maulne seront déposés
sur le port de Saint-Martin-Molôme, sur le bord de l'Armançon. Les 12 000 voies
de bois représentent 24 000 stères d'aujourd'hui. Les Gemyot s'engagent à
commencer le flottage le 1er octobre, deux jours après la date du marché,
moyennant 6 sous par voie, et de continuer pendant les trois années suivantes.
Ils ne feront pas flotter moins de 4 000 voies à chaque f1otte, ce qui devait
former une quantité considérable de bois.
Le comte devra apporter au port Saint-
Martin l'argent nécessaire pour payer les ouvriers employés à chaque flotte huit
jours avant que les sieurs Gemyot veuillent jeter les bois du flot sur la
rivière.
Aussitôt le flot arrivé au port de la Bouche-d'Armançon, les Gemyot
feront tirer le bois hors de l'eau, le commis du comte comptera les bûches une à
une et, s'il yen a quelques-unes de perdues, les entrepreneurs paieront le
manquant au prix de 37 sous par voie. Le chargement sur bateaux devait suivre
sans doute, mais nous n'avons pas trouvé de marchés qui relatent cette
opération.
Dans le CHAPITRE III, on lit :
Quoiqu'il en soit, les
marchands de bois pour l'approvisionnement de Paris faisaient flotter en trains
sur le port de Brienon leurs bois descendus du pays tonnerrois et amenaient
ensuite ces trains dans le biez au-dessus de Cheny. En 1687, on tirait encore le
flot des bois au-dessus du pont de Brienon, où se fabriquaient les trains
composés de neuf coupons ; les meuniers recevaient des marchands, pour leur
salaire, une légère indemnité de 20 sols par train pour leur aide dans le
passage du pertuis de Brienon et la conduite jusqu'à celui de Cheny.
Dans le CHAPITRE IV, on lit :
L'administration des Ponts et Chaussées portant son attention sur
l'amélioration des rivières et autres cours d'eau secondaires provoqua, en 1856,
la formation d'un syndicat pour arriver au curage et à la réglementation de
l'Armançon, qui fut constitué définitivement en 1860 et dont le siège était à
Tonnerre. Mais, depuis l'établissement de la navigation continue sur la rivière
d'Yonne, l'utilité de l'Armançon pour le flottage devint nulle ; les dépenses
d'entretien par l'Etat sans fruit pour lui. Depuis 1869 jusqu'en 1876, le
Conseil général de l'Yonne, parlant de l'Armançon, répète, chaque année, comme
un glas funèbre "que le flottage n'existe plus, qu'elle ne présente plus
d'intérêt au point de vue de la navigation, et que, lorsque la navigation sera
continue sur l'Yonne, il n'y aura plus aucune utilité à maintenir l'Armançon
comme rivière flottable".
Sur la demande même du Conseil municipal de Brienon, et
après enquête dans les communes intéressées, un décret du 7 mai dernier a
prononcé le déclassement comme rivière flottable de la partie de l'Armançon
comprise entre Brienon et son embouchure dans l'Yonne. Toute la partie
antérieure de la rivière ne comptait déjà plus comme rivière navigable ni
flottable.
Dans le CHAPITRE IV, on lit :
Cheny - Pont à six arches à plein cintre ; XVIe siècle. Il n'existait
pas en 1506.
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